Mardi dans la journĂ©e je me suis mise Ă avoir vraiment plus de contractions que dâhabitude. Des contractions qui pincent un peu plus que dâhabitude. En fin dâaprĂšs-midi, je dĂ©cide de noter les horaires pour voir si câest rĂ©gulier : pas vraiment mais elles se rapprochent et il y en a beaucoup. Je suis pleine dâespoirâŠet en mĂȘme temps un peu agacĂ©e et impatiente, ça ne se lance pas vraiment, câest frustrant ! Jâenvoie un message de dĂ©tresse sur le groupe whatsapp de mon Blessing way, en recherche dâocytocine pour faire vraiment commencer le travail. Les amies sont au rdv, jâai plein de rĂ©ponses et dâamour. Lâune dâentre elles propose que jâenvoie plutĂŽt un smiley sur la conversation au lieu de noter les heures des contractions. Je choisis la licorne et commence Ă en envoyer.
Je vais me coucher Ă une heure raisonnable (entre 22h30 et 23h) et je suis rĂ©veillĂ©e par ma vessie : les contractions appuient dessus et ça me donne envie dâuriner. Il est minuit, jâĂ©cris un message Ă C. (une amie) puisque je sais quâelle travaille de nuit. Je retourne rapidement me coucher et mâendors⊠jusquâĂ 2h30, une nouvelle pause pipi sâimpose. Je nâarrive plus Ă me rendormir, alors je me remets Ă envoyer des licornes sur whatsapp. Au bout dâun moment jâai faim et le sommeil me fuit toujours alors je dĂ©cide de descendre. En plus ça tombe bien : on a oubliĂ© dâĂ©tendre la lessive lancĂ©e la veille, ça me fera bouger de mâen occuper ! Je continue Ă Ă©crire Ă C., je ne me sens pas seule, jâai aussi allumĂ© ma bougie et sorti les petits mots doux des amies. JâĂ©tends ma lessive en me posant sur le ballon Ă chaque contraction, je me dis que si je bouge, ça finira par les intensifier. Je regarde un dessin animĂ© sur N*tflix.
Le matin arrive, jâai envie de me reposer un peu alors je mâinstalle sur le canapĂ© et somnole pendant une petite heure avant que les enfants ne se rĂ©veillent. Il nây a toujours pas de rĂ©elle accĂ©lĂ©ration du « prĂ©-travail » mais je me dis que câest pour aujourdâhui. Quand les enfants se lĂšvent, je leur dis quâils iront chez les voisins pour la journĂ©e, que le suricate a lâair de vouloir sortir aujourdâhui. La belette lui chante une chanson tout prĂšs de mon ventre pour quâil descende. Je prĂ©viens la voisine qui me dit quâelle prĂ©pare aussi des lits et que les enfants peuvent dormir chez elle ce soir comme ça M.Marguerite pourra passer la nuit Ă la maternitĂ© avec moi si le bĂ©bĂ© est nĂ©, et on aura pas de stress. Elle est super, ma voisine !
AprĂšs le petit-dĂ©jeuner, ça dĂ©gĂ©nĂšre entre les enfants qui sont fatiguĂ©s, tout le monde perd patience et les contractions sâespacent et tendent presque Ă disparaĂźtre, ça me met trĂšs en colĂšre. Jâai envie quâil sorte aujourdâhui, moi, je ne veux pas avoir fait une nuit blanche pour rien ! M.Marguerite sort faire des semis de graines avec les enfants, je me repose et me calme sur le canapĂ©, puis dĂ©cide de sortir mâattaquer aux mauvaises herbes Ă coups de bĂȘche, si ça ne me redonne pas des contractions, ça mâaidera au moins Ă me dĂ©fouler !
Ma chasse contre la chĂ©lidoine et le pissenlit est efficace, les contractions reprennent ! Elles ne sont toujours pas fortes ni rĂ©guliĂšres mais elles sont de retour. On envoie les enfants chez les voisins peu avant midi, avec un sac pour la nuit et leurs affaires dâĂ©cole pour le lendemain, et on se fait un repas tranquille en amoureux. Comme il fait trĂšs beau, on sort aussi faire une balade. Je sens que ça contracte assez rĂ©guliĂšrement pendant la balade, mais je ne note rien exprĂšs pour tenter de dĂ©connecter. Quand on rentre, les contractions se calment Ă nouveau, ça me dĂ©sespĂšre ! Je dĂ©cide dâappeler M. (ma sf) pour lui demander son avis, elle me dit que ça peut aussi bien durer 48h comme ça ou sâaccĂ©lĂ©rer dâun coup, quâil faudrait que je dĂ©connecte mon cerveau et que probablement si jâarrive Ă me reposer vraiment, ça pourra soit sâarrĂȘter, soit se lancer correctement. Elle propose de venir puisquâon a une ordonnance pour le monitoring, comme ça elle en profitera pour regarder lâavancement du truc ou pas.
Pendant le monitoring (le suricate est parfait, avec un battement de cĆur de bĂ©bĂ© bien prĂȘt Ă sortir, un peu ralenti, et il a toujours la tĂȘte dans le bon sens, jâai eu un doute dans lâaprĂšs-midi) M. discute avec moi. Elle a regardĂ© mon col avant et elle me dit que câest un col sympa « il est tout mou comme du chewing-gum, encore bien Ă©pais mais pas rĂ©sistant, donc lĂ si le travail se met en route tu seras rapidement Ă 6 ! ». Elle me parle du suricate qui a lâair prĂȘt, et me dit que peut ĂȘtre moi je ne le suis pas⊠Elle tĂąte le terrain sur plusieurs explications : soit jâai tellement envie que ce soit pour maintenant que jâai dĂ©clenchĂ© un dĂ©but de truc, mais que ma volontĂ© ne suffit pas pour le moment, soit un truc me bloque et le travail se mettra en route quand jâaurai lĂąchĂ©, quand je me serai vraiment endormie par exemple. Puis elle me regarde, et elle me demande « Est-ce que ce serait possible que tu aies peur de laisser sortir ce bĂ©bĂ©, parce que ça voudrait dire que tu laisserais partir ton papa ? » Outch. [Mon pĂšre est en soins palliatifs, on a prĂ©vu dâaller le voir le plus tĂŽt possible aprĂšs la naissance du suricate pour lui prĂ©senter, il attend avec impatience.] Je ne mây attendais pas, je fonds en larmes. Câest possible, je nây avais pas pensĂ©âŠ
On continue Ă parler, elle me dit aussi que jâai peut ĂȘtre besoin de cĂąlins, que quand on a un tout petit, on donne sans compter alors des fois on ne sâen sent pas prĂȘte si on a pas eu sa dose avant. Elle me prend dans ses bras, on reste un moment comme ça sur le canapĂ©. Sur le monitoring, il nây a quâune seule « vraie » contraction qui correspond au moment oĂč elle a posĂ© sa question. Elle prend congĂ© en nous conseillant de laisser les enfants chez les voisins (on se pose la question vu que rien ne semble vouloir se lancer pour le moment), de faire des choses qui ont du sens pour moi, qui me font plaisir, et de manger quelque chose qui me fait envie sans se soucier de la glycĂ©mie pour ce soir. AprĂšs son dĂ©part, on en parle un peu avec M.Marguerite et on se fait de gros cĂąlins.
Il est 18h, on dĂ©cide quâil vaut mieux laisser les enfants chez les voisins ce soir, mĂȘme sâil ne se passe rien, une soirĂ©e tranquille nous fera du bien. On part se promener pour profiter des derniers rayons du soleil. A 30m de la maison, trĂŽne le panneau qui annonce que le camion pizza est au village ce soir, parfait ! Jâappelle pour commander pour 19h30. Il fait assez bon malgrĂ© le vent, on prend un chemin dans les vignes (ok, il nây a que ça vers chez nous !), le soleil dĂ©clinant sur les chĂąteaux, câest beau. On parle de tout et de rien, on est bien. Les contractions reviennent.
19h, la voisine mâĂ©crit que si on ne part pas tout de suite, ça pourrait ĂȘtre bien quâau moins M.Marguerite vienne faire un bisou aux enfants avant quâils aillent au lit. On dit quâon viendra pour les coucher, elle nous dit de passer dâici 40min. Nickel, on pourra aller chercher la pizza avant.
19h20, on se met en route pour aller chercher la pizza, les contractions mâobligent Ă me concentrer sur la respiration, et câest un peu inconfortable dans la voiture assise bien droite, et ça tiraille dans les ronds-points ! En plus on sâest trompĂ©s, le camion nâest pas au mĂȘme endroit que dâhabitude, il est dans le centre du village. On rigole avec mon mari quâon devrait rouler plus longtemps encore, parce que ça a lâair efficace pour dĂ©clencher le travail !
19h40, on arrive au camion et on récupÚre notre pizza en discutant un peu avec la femme du camion et un client qui est là . Les contractions me font me dandiner un peu.
19h46, on va chez les voisins. Les enfants sont au bain, les 4 (les deux des voisins et les nĂŽtres) dans la baignoire, ça sâarrose, rigole et ne veut pas sortir. Ils sont contents de nous voir, surtout le petit bonhomme qui a paraĂźt-il dĂ©jĂ pleurĂ© Ă midi (petit shoot de culpabilitĂ© : je crois bien quâil nous a vus par la fenĂȘtre quand on est sortis se promener aprĂšs manger). On essaye de les faire sortir, la voisine est bien contente quâon sâen occupe, elle commençait Ă ĂȘtre un peu dĂ©passĂ©e ! Elle prend son cadet et nous laisse gĂ©rer les autres. Cette fois-ci, je sens bien que le travail est lancĂ©, je gĂšre les contractions en me dandinant dâun pied sur lâautre, appuyĂ©e au dossier dâune chaise, et en soufflant. Câest bien plus que des pincements ! Et les enfants nây changent rien cette fois-ci ! La sortie du bain met des plombes, ainsi que le coucher, parce que la belette voudrait le lit oĂč est dĂ©jĂ installĂ© son frĂšre, mais pas du compromis proposĂ© de dormir avec lui⊠On essaye de garder notre calme, mon mari me voit souffler en me dandinant debout et semble inquiet, rĂ©pĂšte aux enfants que le suricate veut sortir, quâil faut quâon parte maintenant. Je mâoccupe de la belette qui finit par accepter de dormir sur le matelas par terre, on reste jusquâĂ ce que les deux dorment parce quâils sont un peu inquiets (en fait, câest leur premiĂšre nuit sans nous ailleurs quâĂ la maison). Puis on sâextrait de la chambre en vitesse, remercie la voisine et rentre Ă la maison.
21h20, on est de retour Ă la maison, on allume la tĂ©lĂ© (on a dĂ©jĂ loupĂ© le dĂ©but de Top Chef), et on met la pizza Ă rĂ©chauffer. Je mâinstalle sur le ballon entre les contractions, devant la tĂ©lĂ© et quand je les sens venir, je me lĂšve et mâappuie au dossier du canapĂ©.
Ă la deuxiĂšme moitiĂ© de la pizza, je demande Ă M.Marguerite de mâappuyer sur le sacrum pendant les contractions et commence Ă grogner un peu. Les contractions sont Ă moins de 5min dâintervalle. M.Marguerite dĂ©cide quâon appellera M. quand on aura fini de manger.
21h45, Finalement, il lâappelle quand on a fini la pizza, avant de se faire des tartines de fromage, puis de miel. Ă chaque contraction, il se lĂšve plus ou moins rapidement pour mâaider. Je me retiens de lui crier de lĂącher sa tartine et venir plus vite que ça. Il me propose de mâappuyer plutĂŽt au mur quâĂ la table, il a raison, câest mieux. Jâai trĂšs mal dans le bas du ventre pendant les contractions alors je dĂ©cide de faire chauffer de lâeau pour pouvoir me soulager avec la bouillotte. La bouillotte, câest pas mal, ça mâaide mais je dois la serrer Ă deux mains sur mon bas-ventre, alors pendant les contractions, je pose mon front contre le mur et commande Ă M.Marguerite de continuer Ă mâappuyer sur le sacrum « PLUS FORT ! » « PLUS BAS » . Entre les contractions, jâai peu de temps, alors je reste debout et me repose contre mon mari, le laissant mâenlacer et me shootant Ă son odeur. Quand je nâai pas le temps dâatteindre le mur avant une contraction, je reste contre mon mari qui me soutient sous les bras et je me suspends comme ça, en agrippant toujours ma bouillotte.
22h25, M. arrive, elle me fĂ©licite « cette fois tu as vraiment une tĂȘte de femme qui accouche, bravo ! » elle me fait des caresses pendant les contractions, et mâencourage. Elle cherche rapidement le rythme cardiaque du suricate « il va super bien ». Elle me propose de regarder lâĂ©tat du col, jâaccepte : « ça avance bien lĂ ! » Comme M.Marguerite me soutient pendant les contractions, elle lui conseille de sâadosser au mur, et elle sâoccupe de mâappuyer sur le sacrum. Les contractions sont trĂšs fortes, je me dis que si ça doit sâempirer ou durer des heures comme ça, je ne tiendrai jamais ! Entre elles, jâai Ă peine le temps de me relĂącher. Mon mari et M. mâencouragent.
22h40 M. me demande si je ne le sentirais pas dans les fesses, ce bĂ©bĂ©, je lui rĂ©ponds « SIIII !! ». Pendant les contractions, je dĂ©colle presque les pieds du sol, les fesses en arriĂšre, le haut du cops en appui complet sur M.Marguerite, ma tĂȘte contre sa poitrine. M. propose de regarder Ă nouveau le col, elle pense que câest le moment de partir pour la maternitĂ©. AprĂšs examen elle confirme : si on veut y aller câest maintenant. Je me mets Ă pleurer que je nây arriverai pas, que je ne veux pas aller dans la voiture. M.Marguerite insiste, il voudrait vraiment quâon soit Ă la maternitĂ©. Je finis par accepter de bouger, jâarrive jusquâĂ lâentrĂ©e, mets un pied dans une chaussure, mon mari mâaide Ă lâenfiler correctement et ferme la fermeture. Puis une Ă©norme contraction me fait mâaccroupir en hurlant. Jâai la bouillotte dans les bras, je mây accroche comme un doudou et appuie sur le mur avec ma tĂȘte. DâaprĂšs mon mari, lĂ M. lâa regardĂ© avec un mouvement de la tĂȘte genre « ça va pas le faire.. »
22h45, M. dĂ©cide de mâexaminer une derniĂšre fois (je ne sais mĂȘme plus mais elle a dĂ» me demander mon consentement), et dĂ©clare que câest trop tard pour partir, le bĂ©bĂ© est engagĂ©, câest un coup Ă accoucher dans la voiture, on reste, elle va chercher ses affaires rapidement dans sa voiture. Elle dit Ă M.Marguerite quâelle peut appeler le samu si ça le rassure. Lui mâenlĂšve la chaussure, je me retourne, pose un pied sur une marche et mâaccroupis Ă nouveau avec une grosse contraction, je sens que le bĂ©bĂ© descend. Mon mari mâaide Ă monter les deux autres marches (lâentrĂ©e est en deux parties : un petit sas avec la porte dâentrĂ©e, lâĂ©tagĂšre Ă chaussures sur le cĂŽtĂ©, et en face la porte de la cave Ă gauche et 3 marches Ă droite. En haut des marches, comme un petit couloir avec du carrelage au sol, les porte-manteaux Ă droite, la montĂ©e de lâescalier Ă gauche et la porte du salon en face), M. revient et me demande oĂč je veux mâinstaller, je dis que jâĂ©tais bien avec un pied sur une marche, je veux rester devant lâescalier, je pense aussi que ce sera plus facile de nettoyer le carrelage (non, mon cerveau ne sâarrĂȘte vraiment jamais !). M.Marguerite demande de quoi on a besoin et revient avec des serviettes de toilette, M. mâen pose une entre les jambes. Je ne sais plus trop comment, je suis finalement Ă genoux. La tĂȘte se retrouve dans mon bassin puis Ă mi-chemin de la sortie, coincĂ©e dans mon pĂ©rinĂ©e. LĂ je hurle. M. me dit que je dois pousser, je crie que je vais mourir (tout en me disant que je suis ridicule et quâil suffirait que jâaie le courage de pousser) et que je ne vais pas y arriver. Ă la deuxiĂšme contraction sans changement, M. me propose de mâaccroupir, elle mâaide, M.Marguerite me soutient, assis dans lâescalier, et dâun coup :
22h49, le suricate sort dâun coup sur la serviette en mode glissade. Gros soulagement pour moi ! Je ris, M. lâattrape et me le met dans les bras. Elle mâaide Ă enlever ma robe et mon soutien-gorge pour faire du peau Ă peau. M.Marguerite sâĂ©loigne un peu, les yeux mouillĂ©s.
Ensuite M. mâa mis des coussins avec un plaid dessus pour que je puisse me coucher entre le salon et lâentrĂ©e le temps que le placenta sorte (mon mari a fait une photo

), puis elle mâa proposĂ© de monter dans mon lit si je le sentais. Le papa a enlevĂ© son polo pour faire du peau Ă peau Ă ma place le temps que je sois installĂ©e confortablement dans le lit.